Coupable
Ce matin j’avais rendez-vous pour un don de plaquettes. Je suis donc partie avec un bon livre, ravie d’avoir deux heures rien qu’à moi, dans le calme, assise confortablement pour en parcourir les pages.
Dés mon arrivée, parcours habituel, je remplis le questionnaire de santé que je croyais connaître par cœur, et soudain je lis une question qui éveille en moi un soupçon … puis-je donner aujourd’hui ? Je termine mon questionnaire et rencontre le médecin. C’est toujours la même, elle est souriante, sympathique, et directement je lui parle du traitement que je suis actuellement et auquel je n’aurai jamais pensé si la question n’avait pas été dans le questionnaire. Elle me répond que je ne vais pas pouvoir donner aujourd’hui, que je dois attendre 4 mois après la fin du traitement. Elle a dû lire ma déception sur mon visage car elle a ajouté : « ne vous en voulez pas, vous aussi vous avez le droit de vous soigner ». C’est juste mais pour mon cas ce n’est qu’un petit traitement que j’aurai dû faire il y a bien longtemps déjà et que j’avais reporté plusieurs fois, et ce petit bobo à la noix allait m’empêcher de donner mes plaquettes.
Je suis donc repartie déçue en m’excusant une bonne dizaine de fois auprès des infirmières qui me répondaient que ce n’était pas grave et que je n’avais pas à m’excuser, que c’était plutôt elles qui me remerciaient d’être venue.
Sur le chemin du retour, j’ai ressassée ma culpabilité ; elles me remerciaient alors que je n’ai rien fait, je n’ai été d’aucune utilité aux malades, j’ai repensé à ma fille lorsque les infirmières passaient le matin dans sa chambre après une analyse de sang et disaient qu’il y avait un déficit important de plaquettes dû à la chimio et qu’en attendant une transfusion il fallait faire très attention pour qu’il n’y ait aucun saignement, aucun choc qui aurait pu déclencher une hémorragie interne. Et puis j’ai repensé à l’attente de la poche toute la journée pour qu’enfin vers 19h l’infirmière arrive sourire aux lèvres en disant « on en a enfin ». Je me suis souvenue avoir remercier mille et une fois les donneurs qui ont permis à ma fille d’être là aujourd’hui grâce à leur don de sang, de plaquettes….et là, aujourd’hui, je ne pouvais pas les aider à mon tour juste à cause d’une malheureux petit traitement.
J’imagine déjà quelques lecteurs sourire, se dire que je suis idiote, mais je pense qu’ils n’ont pas connu cette attente, cette impuissance que vous avez à regarder votre enfant et vous dire que sa vie dépend d’un autre, d’une autre, d’un inconnu qui aura pris de son temps pour faire un don gratuit, qui ne lui rapportera rien sauf peut-être de la satisfaction personnelle et deux heures (pour les plaquettes) ou 20 minutes (pour le sang) de chaleur humaine et de tranquillité pour regarder un bon DVD ou lire un bon bouquin…
Et vous, vous faites quoi aujourd’hui ?
(DVMO : Don Volontaire de Moelle Osseuse)
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